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Hramascotte.jpgLes fidčles lecteurs des bulletins des Amis du Vieux Saint-Etienne doivent garder en mémoire le ręve oriental de la Stéphanoise Lala Ourda Cherifa de la Zaouia Taibia. Il nous était difficile de l’interviewer mais nous nous rattrapons avec Gérard Margnac, le fakir de la Tour-en-Jarez.
 
Sur les marches de l’église le marié se tient bien. Sa jeune épouse avec son ombrelle ressemble ŕ une poupée de porcelaine. Un jongleur convaincu fait tournoyer des raquettes de tennis, un autre se concentre sur ses anneaux, le clown triste a le regard perdu et au premier plan un gerbe de feu jaillit de la bouche d’un fakir enturbanné. Ce drôle de tableau façon « Strange Days » ne figure pas sur la pochette d’un album de rock. Il fut fixé par le photographe en 1984 ŕ Saint-Etienne sur les marches de l’église Saint François. La mariée se nomme Véronique Poletto, les Poletto de l’Etoile Théâtre, arričre petite-fille de Pétalugue, l’ ancętre du théâtre ambulant dans la région. Et les ménestrels qui entourent le couple sont tous gens du spectacle venus leur faire fęte. Le cracheur de feu, c’est le fakir Hogeram, 71 ans aujourd’hui, assis en face de moi dans un bar de Saint Roch.
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Image extraite du film consacré au fakir Hogeram, les films du Hibou 2005

Bonjour Mr le fakir, pour ma part je suis un des gourous de FI mais vous, auriez-vous l’amabilité de vous présenter ŕ l’intention des forez’nautes ?
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Dans le civil mon nom est Gérard Margnac, je suis né en 1935. Je suis originaire de l’Etrat et je vis actuellement une retraite bien occupée ŕ La Tour-en-Jarez.

Fakir, c’est votre profession ?
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Non, j’ai exercé pas mal de métiers différents. Je suis comme on dit une sorte d’autodidacte. A l’origine j’ai une formation de tourneur mais j’ai laissé tomber, je suis resté 17 ans chez le męme patron, j’ai eu un magasin d’électroménager ŕ Saint-Etienne. J’ai travaillé ŕ l’éclairage publique, ensuite ŕ la cinémathčque pendant treize années oů j’étais technicien, je travaillais sur la Mémoire régionale.

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Comment en ętes-vous arrivé ŕ jouer avec le feu et ŕ marcher sur les lames des sabres ?
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A l’origine, il y a un pari passé il y a 38 ans avec Michel, un ami. Cet ami appartenait ŕ une famille de magiciens stéphanois bien connus, les Atoly’s, eux-męmes proches de Hardy l’Enchanteur, un immense illusionniste de renommée mondiale qui d’ailleurs vivait ici, place Saint Roch… Enfin bref, il y avait tout un milieu de gens du spectacle, magiciens, clowns etc. et moi je lui dis un jour que j’avais aussi envie de faire du spectacle mais je ne savais pas trop quoi. Des illusionnistes, y’en avait déjŕ ŕ tous les coins de rue, finalement je lui dis : « ben tiens j’vais faire fakir. » Il ne m’a pas cru, on a parié et il a perdu, voilŕ.


Et ensuite ?
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Ensuite il a fallu que je fabrique le matériel parce que ça ne s’achčte pas. Comme une femme enceinte, j’ai accouché de mon numéro au bout de neuf mois, aprčs avoir été cherché des lames de sabres aux ateliers du Valfuret et des pommeaux chez Balp, l’armurerie du cours Victor Hugo. J’ai tout monté, les sabres en corne de buffle, les planches ŕ clous de 160… Et puis les costumes bien sűr, le décor c’est capital pour mettre en valeur le spectacle.

Et vous vous ętes entrainé…
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…dans ma tęte. Tout mon numéro je l’avais dans la tęte. Je pratiquais déjŕ le yoga depuis pas mal d’années. C’est ce qui m’a permis de pouvoir maitriser mon spectacle, de le faire mentalement. Ce fut un apprentissage de conditionnement. Le but étant de faire mon numéro devant un public. Sans public, pas de conditionnement mental, seul je n’y arrivais pas. Ma premičre représentation, je l’ai fait ŕ Saint-Etienne chez Lucienne, au Trianon, une boîte de nuit, aujourd’hui la Mine sous le Méličs. Mon parrain c’était Atoly’s pčre, il m’a félicité, j’étais content. J’ai commencé comme ça.
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Le fakir dans ses oeuvres. Attention: on ne s'improvise pas fakir ni cracheur de feu DANGER !

Le yoga c’est important pour ętre fakir ?
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C’est trčs important, capital męme je dirais. On ne s’improvise pas fakir. Parce que quand vous ętes couché sur des clous, il faut faire le vide, faire abstraction de tout ce qu’il y a autour, se concentrer et savoir détendre certains muscles et en contracter d’autres. Avec le yoga on fait ce qu’on veut. Par exemple, il m’est arrivé de ralentir mon rythme cardiaque devant des médecins.

Oů avez-vous appris le yoga ?
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A Saint-Etienne, ŕ la maison de la culture ŕ l’époque. Je continue ŕ en faire trčs réguličrement. Je vais vous dire, le yoga tout le monde devrait en faire. Et en premier lieu tous ceux qui veulent faire du fakirisme.

Et que diriez-vous ŕ ceux qui dénigrent le fakirisme ?
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J’ai vu un jour un numéro ŕ Roanne fait par un soit-disant fakir. Le gars faisait de l’illusionnisme de bas étage, pas du fakirisme. Il vendait de la m… aux gens, les trompait avec des ficelles plus grosses que lui. Aprčs ça, c’est normal qu’il y ait des gens qui disent que TOUT est truqué. Mais le vrai fakirisme n’est pas une affaire de trucs, c’est avant tout un travail sur la domination du corps par l’esprit, un travail sur la douleur. Et personnellement, ce fut toujours pour moi avant tout un plaisir, pas un commerce.

Votre plus beau souvenir de scčne ?
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En 1972, ma participation au festival mondial de la Magie au palais des sports de Saint-Etienne.
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Quels sont ŕ votre avis les grands noms du fakirisme ?
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En France, d’abord Ben Ghou Beys, décédé en 1990 et Yvon Yva. Je les ai vu ŕ Paris, ils se clouaient la langue sur un billot de bois et passaient la soirée comme ça, c’était ŕ vous couper le souffle…Yva s’était fait opérer de l’appendicite sans anesthésie, ŕ la télé si j’ai bonne mémoire.

Et les fakirs aujourd’hui ?
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De moins en moins, ça n’intéresse plus beaucoup les gens. Nous sommes une espčce en voie de disparition…
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Le fakir et Romulus lors du dernier carnaval de Saint-Etienne
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Quelques mots sur Romulus ?
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Romulus était mon partenaire, un python molur de 4, 30 mčtres ŕ la fin de sa vie. Je pense qu’il détient le record de longévité des reptiles en captivité : 30 ans ! Je l’avais acheté bébé ŕ Metz, 2000 Frcs ŕ l’époque, aujourd’hui vous pouvez rajouter 3000 frcs pour un plus petit. Il avait une jolie tęte sympathique, un vrai petit chat qui demandait des caresses… On avait fait ensemble le carnaval de Saint-Etienne, un bon souvenir…
 
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Pour finir un mot peut-ętre sur la Tour-en Jarez ; d’abord la fęte de la chataigne, le succčs était-il au rendez-vous cette année ?
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Oui oui, pour cette 8čme édition on a reçu entre 8 et 10 000 personnes. Les gens étaient contents et la vogue des noix ne nous fait pas d’ombre. Je m’occupe pour ma part de l’aspect technique, sonorisation, électricité etc. C’est une belle fęte, avec des animations un peu de partout et la participation d’une quarantaine d’artisans, mais qui demande beaucoup de travail et il faut beaucoup de bénévoles. On avait avec nous 250 bénévoles cette année, et ce n’est pas assez, vous imaginez ? ! Le problčme c’est que le village est perché et les visiteurs doivent se garer en bas de la colline. Il faut mettre en place des navettes, ce n’est pas simple.


Et les chataignes ?
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Ben les chataignes pour les grilloirs nous allons les cueillir nous-męmes une semaine ou quinze jours avant en Ardčche. Parce que la Tour était autrefois un pays de chataigniers mais la maladie les a ravagé. Mais ces derničres années on a replanté des arbres avec les enfants de l’école, on attend…

L’ atelier de l’armurier ?
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C’est une petite structure qui rend hommage au travail des artisans armuriers. C’est une petite pičce avec sa forge, un soufflet, des outils… ouverte ŕ la visite une fois par mois, chaque dernier dimanche. La visite est commentée et un petit film réalisé par André Picon est diffusé.
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Écrit par Hervé